Vendredi 28 juillet 2017, le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’appartenait pas au juge du référé liberté, qui est un juge de l’urgence dont les mesures doivent produire des effets à brève échéance, d’ordonner à l’administration de prendre des mesures structurelles telles que la réalisation de travaux lourds ou l’allocation aux services judiciaires et pénitentiaires de la maison d’arrêt de moyens supplémentaires.
Les sages du Palais-Royal considèrent également qu’il convient « d’apprécier l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde au regard des moyens de l’administration et des mesures déjà prises ».
Le respect de la dignité et des droits
Dans cette affaire, la section française de l’Observatoire international des prisons (SFOIP) avait demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant selon la procédure de référé-liberté, d’enjoindre à l’administration de prendre un certain nombre de mesures d’amélioration des conditions de détention à la maison d’arrêt de Fresnes. Par une ordonnance du 28 avril 2017, ce dernier avait partiellement fait droit aux demandes dont il était saisi.
Par sa décision (n°410677), le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler les dispositions de l’article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits, ainsi que les obligations qui pèsent à ce titre sur l’administration. Lorsque la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises à des traitements inhumains et dégradants, portant atteinte de manière grave et immédiate à leurs libertés fondamentales, il rappelle que le juge des référés « peut prendre des mesures de sauvegarde, dans un délai de quarante-huit heures, afin de faire cesser cette carence ».
Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu’aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge du référé liberté « peut également décider de déterminer à brève échéance, dans une décision ultérieure, les mesures complémentaires qui s’imposent et peuvent être très rapidement mises en œuvre ». Dans tous les cas, l’intervention du juge du référé liberté est subordonnée au constat que la situation en litige lui permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.
Le Conseil d’Etat a estimé que les demandes de la SFOIP tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre de la justice de prescrire la réalisation de travaux lourds au sein de la maison d’arrêt de Fresnes, d’allouer des moyens supplémentaires aux services judiciaires et pénitentiaires afin de développer l’offre d’activités proposées aux détenus, ou encore de prendre une circulaire de politique pénale, ne remplissent pas ces conditions : « il s’agit en effet de mesures d’ordre structurel, insusceptibles d’être mises en œuvre et d’avoir des effets à bref délai ». Elles ne peuvent donc pas être ordonnées en référé liberté.
Des traitements inhumains et dégradants
S’agissant des conditions de détention en cellule, le Conseil d’Etat relève l’existence d’un taux d’occupation de plus de 200%, impliquant des encellulements à trois, la présence de nuisibles, ainsi que le manque de luminosité et l’humidité des cellules. Il estime que ces conditions de détention « sont de nature à porter atteinte à la vie privée des détenus et de les exposer à des traitements inhumains et dégradants ».
Il a toutefois jugé que l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales « doit s’apprécier en tenant compte des moyens de l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a, le cas échéant, déjà prises« . Il relève notamment qu’en l’espèce, l’administration n’a pas la maîtrise du nombre de mises sous écrou, qui dépendent de l’autorité judiciaire, et qu’elle a déjà engagé des mesures de désinsectisation et de renouvellement du mobilier. Dans ces conditions, il juge qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut être retenue.
De la même manière, le Conseil d’Etat a écarté, au regard des moyens dont dispose à court terme le chef d’établissement et des mesures déjà engagées, la demande de la SFOIP tendant à ce que soient réalisés des travaux de rénovation des parloirs, d’aménagement des cours de promenade et d’équipement des salles d’attente.