Dans une décision du 1er décembre 2023, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution, la première phrase de l’article 103 et l’article 108 du code de procédure pénale.
L’article 103 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n°57-1426 du 31 décembre 1957, précise qu’une personne entendue comme témoin par le juge d’instruction est tenue de prêter serment de dire « toute la vérité, rien que la vérité », sauf s’il s’agit d’un mineur de moins de seize ans. Cette obligation faite au témoin de prêter serment devant le juge d’instruction vise à assurer la sincérité de ses déclarations.
A l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), un requérant reprochait l’instauration, par ces dispositions, d’une différence de traitement entre les victimes « selon qu’elles sont entendues au cours de l’instruction comme témoin ou comme partie civile ».
Toute la vérité, rien que la vérité
Sauf que dans sa décision n°2023-1072 QPC du 1er décembre 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la victime entendue comme témoin devant le juge d’instruction se trouve dans une situation différente de la partie civile qui s’est constituée afin d’obtenir réparation du préjudice que lui a directement causé l’infraction ».
D’autre part, a précisé la juridiction suprême, l’audition du témoin devant le juge d’instruction « constitue un acte d’information accompli pour les besoins des investigations, en vue de la manifestation de la vérité ». Elle se distingue de la déposition du témoin devant la cour d’assises qui constitue l’un des éléments de preuve contribuant à l’appréciation de la culpabilité de l’accusé. Dès lors, pour la haute juridiction, « le législateur a pu prévoir, devant la cour d’assises, une dispense de prêter serment pour le concubin ou l’ancien concubin de l’accusé afin de le préserver du dilemme moral auquel il serait exposé s’il devait choisir entre mentir ou se taire, sous peine de poursuites, et dire la vérité, pour ou contre la cause de l’accusé ».
Dès lors, les différences de traitement instaurées par les dispositions contestées, qui sont fondées sur une différence de situation, « sont en rapport direct avec l’objet de la loi ». Le Conseil constitutionnel a donc écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Contestation des déclarations du témoin
De son côté, l’article 108 du code de procédure pénale, dans la même rédaction que celle précité, prévoit : « Les enfants au-dessous de l’âge de 16 ans sont entendus sans prestation de serment ».
Or, pour le Conseil constitutionnel, ces dispositions cumulées à celles précitées de l’article 103, qui se bornent à prévoir que certains témoins doivent prêter serment lorsqu’ils sont auditionnés par le juge d’instruction, « sont sans incidence sur la possibilité pour la personne mise en cause de contester, au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement, les déclarations du témoin ».
Dès lors, a décidé la haute juridiction, les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable « doivent être écartés ». Les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité devant la justice, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, « doivent être déclarées conformes à la Constitution », ont affirmé les Sages dans leur décision.
Principe d’égalité et différence de traitement
Pour mémoire, le principe d’égalité posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Et, pas davantage, à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.