Par une décision rendue le 8 décembre dernier (2017-680 QPC), le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution consacrait l’indépendance des magistrats du Parquet, « dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions ». Une indépendance qui « doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement et n’est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège ».
Conformément à sa jurisprudence antérieure, le Conseil constitutionnel a rappelé que sa décision contrôle la manière dont le législateur a mis en œuvre, pour la définition des relations entre le garde des sceaux et les magistrats du parquet, cette exigence de conciliation entre le principe d’indépendance des magistrats du parquet et les prérogatives du gouvernement.
D’une part, a précisé la haute juridiction, l’autorité du garde des sceaux sur les magistrats du parquet se manifeste notamment par l’exercice de son pouvoir de nomination et de sanction. En application de l’article 28 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, les décrets portant nomination aux fonctions de magistrat du parquet sont pris par le président de la République sur proposition du garde des sceaux, après avis de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. En application de l’article 66 de la même ordonnance, la décision de sanction d’un magistrat du parquet est prise par le garde des sceaux après avis de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. En application du deuxième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale, le ministre de la justice peut adresser aux magistrats du ministère public des instructions générales de politique pénale, au regard notamment de la nécessité d’assurer sur tout le territoire de la République l’égalité des citoyens devant la loi. Conformément aux dispositions des articles 39-1 et 39-2 du même code, il appartient au ministère public de mettre en œuvre ces instructions.
D’autre part, a ajouté le juge suprême dans sa décision, en application du même article 30 du code de procédure pénale, le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. En vertu de l’article 31 du même code, le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi, dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu. En application de l’article 33, il développe librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice. L’article 39-3 confie au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Conformément à l’article 40-1 du code de procédure pénal, le procureur de la République décide librement de l’opportunité d’engager des poursuites.
Pour l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé que « les dispositions contestées de l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 assurent une conciliation équilibrée entre le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l’article 20 de la Constitution ». Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs, a insisté la haute juridiction.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 27 septembre 2017 par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Selon cet article, « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. A l’audience, leur parole est libre ».
L’Union syndicale des magistrats, rejointe par plusieurs intervenants, reprochait à ces dispositions de méconnaître le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire qui découle de l’article 64 de la Constitution, au motif qu’elles placent les magistrats du parquet sous la subordination hiérarchique du garde des sceaux, alors que ces magistrats appartiennent à l’autorité judiciaire et devraient bénéficier à ce titre, autant que les magistrats du siège, de la garantie constitutionnelle de cette indépendance. Pour le même motif, le syndicat reprochait également à cet article 5 de méconnaître le principe de séparation des pouvoirs, dans des conditions affectant le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire.